Négociants de soja: engagement écologique et social insuffisant
Les négociants de soja ne se soucient pas assez des conséquences dévastatrices de la production de soja sur les forêts et autres écosystèmes importants, ni des violations des droits humains tout au long des chaînes de livraison. Publiée aujourd’hui par le WWF et Global Canopy, la «Soja Scorecard» met en lumière ces dysfonctionnements. Elle analyse les mesures prises par les 22 plus grands négociants de soja mondiaux pour résoudre les problèmes environnementaux et sociaux critiques dans la filière.
- Le soja est l’un des plus grands moteurs du déboisement et de la conversion des forêts en terres agricoles de la planète. Sa culture avance toujours plus profondément dans des milieux naturels riches en espèces. La planète perd ainsi des habitats précieux, qui jouent pourtant un rôle essentiel pour les animaux, les plantes et la lutte contre la crise climatique.
- La substitution de la végétation locale par les cultures de soja accroît la pression sur les populations indigènes et les communautés locales, chassées de leurs espaces de vie et privées de leurs bases existentielles.
- Pour garantir des chaînes de livraison préservant les forêts existantes et pour empêcher les violations des droits humains, les négociants de soja doivent améliorer et renforcer continuellement la transparence au sein des filières. Ils doivent également s’engager pour le respect inconditionnel des droits humains et fermer le marché au soja provenant de surfaces déboisées ou converties.
- Malheureusement, la «Soja Scorecard» montre un tableau bien différent: les engagements pris par les négociants de soja ne couvrent pas toutes les zones menacées ni n’englobent l’ensemble de la filière.
Citations de Romain Deveze, expert en matières premières au WWF Suisse:
«Les négociants de soja doivent devenir plus transparents et s’engager pour que les droits humains soient respectés dans leurs chaînes de livraison. En parallèle, ils doivent fermer le marché au soja issu de surfaces déboisées ou converties.»
«Les engagements pris à l’heure actuelle par les négociants de soja en matière de déboisement ou de conversion de surfaces forestières ne suffisent pas. Il manque des valeurs-cibles claires et une application cohérente de celles-ci le long des chaînes de livraison ou en rapport avec les écosystèmes menacés. Par ailleurs, les valeurs-cibles utilisées dans le cadre des engagements actuels ne reflètent pas l’urgence de la problématique.»
Les 22 négociants de soja analysés pour la «Soja Scorecard» couvrent ensemble 84% des exportations de soja de la production mondiale (2020) et jouent un rôle central dans l’évitement, au sein de la filière du soja, du déboisement et de la conversion des forêts en terres cultivées. Parmi les négociants examinés, on trouve le groupe agroalimentaire Viterra (classé parmi les 10 plus grands négociants de soja), racheté en 2013 par Glencore, le plus grand négociant de matières premières mondial, dont le siège se trouve en Suisse.
Sur les 22 négociants de soja interrogés, neuf ont répondu au sondage de la «Soja Scorecard». Ensemble, ils sont responsables de 52% des exportations mondiales de soja. Le meilleur résultat obtenu est de 52,5%, l’entreprise suisse Glencore obtient un score nettement moindre avec seulement 33,5%.
Le WWF demande aux entreprises de l’agroalimentaire de développer leurs mesures sur le terrain et de mettre en œuvre leurs plans d’action, qu’ils auront calqués sur les lignes directrices de l’ «Accountability Framework Initiative» (Afi), mais aussi d’améliorer la transparence de leurs rapports sur l’exposition aux risques et sur les progrès de leurs engagements au fil du temps. Les acheteurs de soja doivent rendre leurs chaînes de livraison transparentes, et en exclure le déboisement et la conversion de surfaces forestières. Ils doivent par ailleurs respecter les droits humains et exiger de leurs fournisseurs qu’ils en fassent de même dans leurs activités commerciales. Le WWF demande à la sphère politique d’édicter des lois contraignantes, qui obligent les entreprises commerciales à se conformer à leurs devoirs de diligence. Les nouveaux accords commerciaux doivent par ailleurs aussi porter sur les aspects sociaux et écologiques des normes du développement durable.
Complément d’information:
Vous trouverez des détails sur les résultats, la méthode et les recommandations de la Scorecard sur https://soyscorecard.panda.org/traders.
La Soy Traders Scorecard complète est disponible sur ce lien.
Le résumé de la Soy Traders Scorecard est quant à lui disponible ici.
Culture du soja: contexte
Dans le Cerrado, la forêt atlantique, le Gran Chaco et Chiquitania en Amérique du Sud et dans les Grandes Plaines, en Amérique du Nord, des millions d’hectares de milieux naturels de grande valeur ont été convertis en champs de soja. Selon le rapport du WWF «2020 Deforestation Fronts», les plus grandes pertes sont déplorées dans la région amazonienne (Brésil, Colombie, Pérou, Bolivie, Venezuela et Guyane), où 18,3 millions d’hectares de forêt ont été détruits, ainsi que dans le Gran Chaco (Paraguay et Argentine), qui ont perdu 5,2 millions d’hectares de forêt vierge (entre 2004 et 2018). La demande mondiale croissante de protéines pour le fourrage du bétail stimule cette expansion, qui se poursuit désormais dans les savanes africaines et les prairies d’Asie centrale, menaçant encore plus d’animaux sauvages, de milieux naturels et de populations locales, sans oublier le climat. Le rapport du WWF «Stepping up: The continuing impact of EU consumption on nature» montre que l’UE est l’un des plus grands importateurs mondiaux de produits cultivés sur des surfaces de forêts tropicales défrichées. Pour sa part, le rapport «Risky Business: Deforestation and social risks in Switzerland’s imports of commodities» montre que les importations suisses de matières premières agricoles et sylvicoles stimulent la déforestation.
Contact:
Pierrette Rey, porte-parole, WWF Suisse, tél. 021 966 73 75.
Romain Deveze, expert en matières premières, WWF Suisse, +33 67 892 45 43, romain.deveze@wwf.ch