Exploration sous-marine avec la tortue de mer
Nous vous invitons à plonger à la rencontre de «notre» tortue marine et à la suivre dans son voyage à travers les mers du globe, de sa naissance à sa reproduction. Vous apprendrez alors que le réchauffement climatique n’est pas le seul facteur à perturber le fragile équilibre des océans et de leurs habitants. La pêche industrielle et les déchets plastique constituent également une menace pernicieuse.
Quitter le nid…
Sur la plage déserte, le seul bruit est celui des vagues qui viennent s’y échouer. Soudain, un petit trou commence à se former dans le sable. De plus en plus gros, il laisse apparaître une tête minuscule. Deux yeux sombres scrutent les environs. Surgissent alors des nageoires suivies d’une carapace de la taille d’une pièce de cinq francs. Comme sa centaine de frères et soeurs, la petite tortue marine est enfin parvenue à s’extraire de son nid de sable. Quelques heures plus tôt, les minuscules reptiles sont sortis de leurs coquilles pratiquement tous en même temps, puis se sont frayé, en rythme, un chemin à travers une couche de 60 centimètres de sable. Ils ont creusé, fait des pauses, et creusé à nouveau, travaillant de concert. Une fois arrivés à la surface, ils n’ont qu’un but: la mer, d’où est venue leur mère 46 jours plus tôt. On ignore comment ils connaissent la direction à prendre, mais il est probable qu’ils suivent le reflet de la lune ou du soleil sur l’eau.
…et plonger ensemble
Quand un bébé tortue atteint l’eau, le premier obstacle est franchi. En effet, sur la plage, les animaux sauvages et les êtres humains sont autant de prédateurs menaçants. Proies faciles sur terre, les petites tortues sont plus en sécurité dans l’eau. Elles nagent alors aussi vite que possible pour s’éloigner de la côte, hors de notre vue. Personne ne sait vraiment où elles vont. Quand ils évoquent les jeunes années de la tortue marine, les chercheurs parlent d’années «perdues», car ils ignorent de quoi elles sont faites. On suppose que les jeunes animaux nagent en pleine mer et qu’ils se cachent dans les algues qui flottent à la surface de l’eau. Leur alimentation est aussi un mystère. Toutefois, des analyses ont montré que les tortues vertes se nourrissaient principalement de méduses et de zooplancton. Vers 3 ou 5 ans, elles se nourrissent surtout d’algues, d’herbes marines et de petits animaux marins.
Au temps des dinosaures, les tortues marines traversaient déjà les océans. Elles ont vu les continents se former, les îles se constituer ou disparaître. Aujourd’hui, ces animaux préhistoriques sont menacés de disparition.
Six des sept espèces de tortues marines figurent sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Pour savoir pourquoi, voyons plutôt ce qui se passe sous l’eau.
Notre tortue est maintenant âgée de 26 ans. Elle vit en solitaire, sans pour autant être seule: sa carapace est couverte d’algues, de coquillages et de petits crustacés. En revanche, elle a déjà perdu la grande majorité de ses frères et soeurs. Sur un millier de tortues marines, seule une parvient en moyenne à la maturité sexuelle, entre 20 et 30 ans. Cette situation est principalement due à la pêche industrielle et à la pollution marine. Pendant ses longs voyages à travers les mers et les océans de la planète, notre tortue a souvent confondu des sachets en plastique avec des méduses, les prenant pour de la nourriture. Par chance, elle a pu se fier à ses bons yeux et éviter de consommer ce repas mortel.
De même, elle est parvenue à déjouer les pièges que constituent les filets dérivants, dans lesquels nombre de ses congénères se prennent et étouffent. Selon les estimations, et rien qu’aux Etats-Unis, 250 000 tortues sont pêchées par erreur chaque année. Sur ce nombre, la moitié ne survit pas.
Femelles trop nombreuses
Mais ce n’est pas tout: le réchauffement climatique est une autre menace pesant sur les tortues marines. La nôtre est une femelle, comme tout le reste de la couvée. Sous le sable, la température a grimpé au-delà de 31 degrés. Dans ces conditions, les bébés tortues développent un sexe féminin. Si la température est inférieure à 28 degrés, les bébés seront des mâles. En cas de variations pendant l’incubation, les deux sexes seront représentés. Pour ce type de répartition des sexes, le réchauffement climatique est un problème: les plages fraîches sont de moins en moins nombreuses. Désormais, certaines populations de tortues marines ne comptent pratiquement plus que des femelles.
Notre tortue a maintenant atteint la maturité sexuelle. Elle est en route pour la plage qui l’a vue naître. Ce n’est qu’ici qu’elle viendra pondre ses oeufs, chose qu’elle ne fera qu’une fois dans sa vie. Ce voyage de plusieurs milliers de kilomètres est sans détour. Pour garder le cap, la tortue se fie au champ magnétique de la planète, comme le font les oiseaux migrateurs.
Braconniers, pilleurs de nids, réchauffement climatique
Au large de la plage visée, des centaines de tortues se retrouvent et s’accouplent. Durant la nuit, la nôtre entreprend de rejoindre le rivage. L’opération n’est pas sans danger: des braconniers ou des animaux friands d’oeufs sont fréquemment en embuscade. Le réchauffement de la planète joue aussi les trouble-fête: avec la hausse générale du niveau des eaux, les plages utilisées par les tortues pour pondre leurs oeufs sont de plus en plus petites et finiront probablement par disparaître un jour. Les épisodes météorologiques extrêmes sont aussi une menace de taille pour les régions côtières. Il suffit parfois d’une tempête et de fortes pluies pour rayer une plage de la carte.
Heureusement, celle de notre tortue est encore là. L’animal se met à creuser un trou avec ses nageoires puis y pond ses oeufs. Après avoir soigneusement recouvert de sable sa future descendance, la tortue efface encore toute trace de son passage, pour qu’on ne puisse soupçonner la présence d’un nid sur la plage. Son travail accompli, elle regagne l’eau. La boucle est bouclée.
La santé des tortues marines reflète celle de nos océans. En plus de constituer l’une de nos bases existentielles, ils sont indissociables du climat et du bien-être de notre planète. Il est donc indispensable de les protéger.
Les tortues marines jouent un rôle important dans le milieu aquatique: elles nettoient par exemple les récifs coralliens des algues et assurent ainsi l’entretien de ces précieux écosystèmes. Elles se nourrissent également d’herbes marines, une arme miraculeuse pour lutter contre le réchauffement climatique. L’herbe marine peut stocker le CO2 jusqu’à 35 fois plus vite que la forêt tropicale. Ce faisant, elles permettent à la plante de repousser avec plus de vigueur et de stocker encore davantage de CO2.
Forts, dans le monde entier
Dans le cadre de différents projets, nous travaillons tout autour du globe afin de protéger les tortues marines et leur habitat. Le parc Tun Mustapha en est un bel exemple. Le plus grand parc marin protégé de Malaisie a été constitué en 2016, avec le soutien du WWF. D’une surface de 900 000 hectares – soit un quart de la Suisse –, il doit servir à préserver l’impressionnante biodiversité sur place. Pour remplacer les revenus de la pêche, d’autres solutions ont été développées avec la population. Des groupes de jeunes s’engagent dans des actions de nettoyage des plages. Les forêts de mangroves sont replantées, ce qui permet de protéger les plages de l’appétit destructeur des vagues et d’atténuer les effets du réchauffement climatique.
Dans le cadre de la «Plastic Smart Cities Initiative», le WWF collabore avec des villes comme Donsol, aux Philippines, ou Izmir, en Méditerranée, dans le but de réduire la pollution par le plastique dans l’environnement, d’éviter son utilisation grâce à des idées innovantes, de trouver des solutions d’avenir pour l’élimination des déchets, de trier ceux-ci de façon sûre et d’accroître les taux de recyclage. Notre objectif est de convaincre 1000 «Plastic Smart Cities» de lutter avec nous contre la pollution plastique d’ici 2030.
Nous travaillons en outre avec divers partenaires de l’économie pour que l’industrie halieutique utilise des méthodes de pêche respectueuses de l’environnement. De plus, nous soutenons les pêcheries durables qui veillent à ménager les stocks de poisson et utilisent des méthodes respectueuses de la vie sous-marine. Du point de vue politique, nous nous engageons pour la création de zones protégées supplémentaires pour mettre en réseau celles qui existent déjà, pour des accords de pêche écocompatibles et pour des mesures contraignantes à l’échelle internationale afin de lutter contre la pollution par le plastique et le réchauffement climatique. Car les océans ne sont pas seulement un milieu incroyablement fascinant et pratiquement inexploré, mais indéniablement aussi une base existentielle pour nous toutes et tous.
Votre don fait toute la différence.
Notre travail a pour but de préserver la bonne santé et la capacité de résilience des mers et du climat. Sur place, les populations locales disposent ainsi d’une base existentielle et nous pouvons préserver la diversité des espèces pour les générations suivantes.