16 mars 2021 — Communiqué de presse

Blocus: le lobby agricole s’impose à nouveau

La nouvelle politique agricole 22+ a définitivement échoué. Une majorité du Conseil national s’est prononcée pour l’immobilisme plutôt que pour le changement dans l’agriculture. Celle-ci n’est donc pas près de devenir durable et capable d’affronter l’avenir. Mais cette politique de l’autruche risque de coûter cher à l’environnement et aux générations futures.

©
Landwirtschaft

Citations:

Océane Dayer, Responsable politique au WWF Suisse:

«Il est possible de protéger l’environnement ET de produire des produits de qualité. La politique doit pour cela définir les conditions-cadre adéquates.» 

Alexandra Gavilano, cheffe de projet Agriculture chez Greenpeace Suisse:

«L’administration a travaillé plusieurs années sur la PA22+. Elle a réalisé une consultation et organisé d’innombrables échanges sur le sujet. Tout cela en vain.»

Patrik Peyer, chef de projet Agriculture chez BirdLife Suisse:

«L’article 104a de la Constitution fédérale exige une production de denrées alimentaires adaptée aux conditions locales, qui utilise les ressources de manière efficiente. Mettons enfin en place les conditions-cadre pour que cela soit le cas!»

Marcel Liner, Responsable de la politique agricole à Pro Natura:

«La majorité du Parlement fait comme si nous pouvions simplement ignorer la disparition effrénée des espèces et l’appauvrissement des habitats sur les terres cultivées. La sphère politique se moque visiblement bien de la responsabilité du secteur agricole dans la lutte contre la perte de biodiversité.»

En forçant la suspension des travaux sur la PA22+, le lobby agricole est parvenu à imposer ses vues au Parlement. Il y a de quoi être surpris puisqu’en consultation, la nouvelle politique agricole du Conseiller fédéral UDC Guy Parmelin avait réuni de larges appuis: les cantons, Bio Suisse, IP Suisse, les Producteurs Suisses de Lait, Economiesuisse, le PLR, le PS, les Verts’Libéraux, le BDP, les Verts et la CI Commerce de détail s’étaient prononcés en sa faveur.

Tous exigeaient le progrès plutôt que l’immobilisme en matière d’agriculture. Car un changement est nécessaire de toute urgence pour que cessent les dérives dans ce domaine: aucun des 13 objectifs environnementaux définis pour l’agriculture n’est réalisé, de nombreuses incitations gouvernementales s’avèrent nocives pour la biodiversité et l’exploitation très intensive des sols menace la sécurité de l’approvisionnement.

Le refus du Parlement de débattre de la PA22+ est un camouflet pour la population qui demande, dans les sondages, une agriculture plus écologique. Cette décision sert uniquement l’agrobusiness qui profitent du système actuel et qui le défendent par tous les moyens. En fin de compte, ce sont les consommatrices et les consommateurs, les organisations de producteurs progressistes et la nature qui en font les frais.

Les exemples suivants illustrent le blocus du lobby agricole:

  •    La nouvelle Politique agricole 22+ vient d’être suspendue. Le Parlement a ainsi mis toutes les réformes dans ce domaine à l’arrêt. Cette suspension balaie du même coup toutes les mesures prévues et nécessaires avant même qu’elles n’aient pu être discutées dans le cadre du débat parlementaire démocratique. La politique agricole actuelle, avec ses nombreuses incitations inadéquates, que nous finançons avec l’argent public, est donc maintenue.
  •    La suspension des travaux sur la PA22+ entraîne également le classement du train de mesures que le Conseil fédéral proposait en guise d’alternative aux deux initiatives sur les pesticides (voir ch. 4.2.2 (p. 62) du message).
  •    L’initiative pour une eau potable propre et celle pour une Suisse libre de pesticides de synthèse ont été rejetées par les deux chambres sans contre-projet.
  •    Le lobby agricole a si bien manœuvré que l’initiative parlementaire «Réduire le risque de l’utilisation de pesticides» a été continuellement affaiblie :
  •   Aucun objectif chiffré n’a été fixé pour réduire les excédents en azote et en phosphore;
  • La transparence sur les livraisons d’engrais a été refusée ;
  •   Aucune conséquence n’est prévue si les réductions visées en matière d’éléments fertilisantsne sont pas mises en œuvre;
  •  Aucune taxe incitative n’est prévue si les objectifs de la trajectoire de réduction pour les pesticides ne sont pas réalisés.
  •   L’adoption de la motion «Adaptation du Suisse-Bilanz et de ses bases à la réalité» par le Conseil des Etats supprime la mesure qui aurait pu contribuer le plus largement à la réduction des excédents d’azote et de phosphore (source: rapport du Conseil fédéral, p. 22).
  •  L’adoption de la motion «Il faut continuer à promouvoir les techniques d’épandage diminuant les émissions dans l’agriculture» par le Conseil des Etats entraîne la suppression de la mesure qui aurait été la deuxième plus importante pour la réduction des excédents d’azote (source: rapport du Conseil fédéral, p. 23).
  •  L’adoption de la motion visant à réduire les espaces réservés aux eaux par le Conseil des Etats intensifie encore l’agriculture au détriment de la nature. La protection de nos cours d’eau n’est de loin pas suffisante.
  • La Vue d’ensemble de la politique agricole à moyen terme du Conseil fédéral a été rejetée en 2018 car une majorité du Conseil national la jugeait trop favorable au libre-échange, le souhait exprimé étant alors que la Confédération se concentre plutôt sur la Suisse («Il convient de renoncer à l’intégration d’une composante internationale (p. 52- 59 du rapport) à la prochaine réforme agricole»). La suspension des travaux sur la politique agricole doit maintenant avoir justement l’effet contraire: la Confédération est priée de présenter une politique agricole plus complète. Ce passage à vide est inutile et témoigne, d’une part, d’un manque de considérations vis-à-vis du travail de l’administration et, d’autre part, d’une certaine indifférence face aux coûts engendrés par de tels reports.

Kontakt

Océane Dayer, Responsable politique, WWF Suisse, oceane.dayer@wwf.ch, 076 615 71 70

Marcel Liner, Responsable de la politique agricole, Pro Natura, marcel.liner@pronatura.ch, 061 317 92 40

Alexandra Gavilano, cheffe de projet Agriculture et climat, Greenpeace Suisse, alexandra.gavilano@greenpeace.org, 078 821 76 13

Patrik Peyer, chef projet Agriculture, BirdLife Suisse, patrik.peyer@birdlife.ch, 079 810 04 80